12.11.2010 | Al-Quds Al-Arabi
Les forces politiques irakiennes sont finalement parvenues à un accord sur la répartition des postes à la tête de l’Etat. Le Parlement a réélu le Kurde Jalal Al-Talabani au poste de président de la République et confirmé le maintien du chiite Nouri Al-Maliki à celui de Premier ministre. Et c’est au sunnite Oussama Al-Noujayfi [du bloc Irakiya de l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui] qu’est revenue la présidence du Parlement. Quant à Iyad Allaoui, il a été nommé à la tête d’un organe nouvellement créé, le Conseil de stratégie politique.
Cet accord met un terme à la crise politique qui ravage le pays depuis huit mois et qui aboutira peut-être à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Mais il confirme dans le même temps la prééminence des allégeances confessionnelles sur les règles de la démocratie. Et de nombreux acteurs politiques irakiens doutent des chances de son succès à long terme. Une méfiance qui s’est déjà manifestée par les nombreux bulletins blancs lors du vote au Parlement. Sans oublier les forces qui ne sont pas représentées au Parlement et qui contestent ce processus politique dans son ensemble.
Le principal perdant dans cet accord est Iyad Allaoui, le chef de la liste Irakiya qui réunit des forces et personnalités laïques des différentes communautés. Bien que cette liste soit arrivée en tête aux élections de mars dernier, elle n’a pas obtenu de nouveaux postes. La présidence du Parlement était de toute façon réservée aux sunnites arabes [dont Irakiya est la plate-forme]. Quant au principal vainqueur, c’est sans doute Nouri Al-Maliki. Il a réussi à s’imposer comme Premier ministre en s’appuyant sur des forces confessionnelles chiites, et notamment le courant sadriste [les partisans de Moqtada Al-Sadr] et le Conseil suprême islamique. Ces deux formations s’étaient violemment opposées à lui durant les deux dernières années, mais ont mis leurs griefs sous le boisseau sur ordre de Téhéran.
Les Kurdes sont également repartis avec un gain non négligeable de ce compromis sous forme de partage ethnico-confessionnel. Ils ont en effet réussi à consolider l’idée que la présidence revient à un Kurde. Cela ressemble désormais à un fait accompli et sera considéré comme un droit légitime sur lequel on aura du mal à revenir.
Le maître d’œuvre de cet accord est Massoud Barzani [président du gouvernement autonome kurde]. C’est lui qui a organisé les discussions entre blocs parlementaires dans son fief d’Erbil, la capitale de la région autonome kurde. Il a ainsi réussi à s’imposer comme acteur incontournable de la politique irakienne, à consolider le poids des Kurdes sur la scène nationale et à éloigner son concurrent Jalal Talabani du Kurdistan en le maintenant en poste à Bagdad.
Mais la part du lion revient à l’Iran. Dès le départ, il était clair que Téhéran voulait Nouri Al-Maliki et s’opposait à l’idée d’une présidence d’Iyad Allaoui. Les Iraniens ont eu ce qu’ils voulaient. Cela prouve que l’Iran est l’acteur le plus influent en Irak. Et ce alors qu’il n’a pas tiré une seule balle pour renverser le régime de Saddam Hussein, son adversaire de toujours. Alors que le régime de Téhéran avait été incapable d’y parvenir en huit années de guerre du Golfe [1980-1988] qui ont fait plus de 1 million de morts, ce sont les Américains qui l’ont fait à sa place.
On aimerait espérer que cet accord sera le point de départ d’une nouvelle histoire de l’Irak, avec une véritable réconciliation nationale et des réformes urgentes pour mettre un terme à la corruption, à l’effondrement total des services publics et à l’insécurité. Force est de constater que les expériences du passé n’incitent guère à l’optimisme.
Source : Courrier International
L’article original (en arabe) : AL-QUDS AL-ARABI