La publication de plus de 400 000 documents par le site WikiLeaks et par plusieurs journaux permet de mieux connaître ce qui s’est passé sur le terrain. Mais pour une partie de la presse européenne, la méthode employée est critiquable.
26.10.2010 | presseurop.eu
Après l’Afghanistan, l’Irak. Le 23 octobre, le site WikiLeaks, relayé par le New York Times, le Spiegel, Le Monde et le Guardian, a publié plus de 400 0000 documents secrets de l’armée américaine sur sa présence en Irak depuis l’invasion de 2003. Le Spiegel rappelle en couverture qu’après 100 000 morts, il n’y a "toujours pas de paix", et se demande : "Cela en valait-il la peine ?" Pour autant, nuance le quotidien néerlandais De Volkskrant, ces documents "complètent l’historiographie de la guerre en Irak, mais une réécriture complète de l’histoire ne sera pas nécessaire. Vu de cet angle-là, l’intérêt du scoop de WikiLeaks est donc limité".
Le journal basé à Amsterdam, à l’instar d’une grande partie de la presse européenne, est d’ailleurs assez critique envers la démarche du site dirigé par Julian Assange. "Pour le site de révélations quelque peu obscur, la publication d’informations délicates semble être devenue une fin en soi", accuse le Volkskrant. "WikiLeaks dit qu’il garantit l’anonymat de ses sources" mais "donne les noms exacts du personnel de sécurité irakien [ayant commis des violations] et risque ainsi de générer des représailles contre eux. WikiLeaks prend donc en quelque sorte la justice entre ses mains".
"WikiLeaks se préoccupe avant tout de faire des révélations d’un seul côté : les forces qui tentent d’extirper la tyrannie en Irak plutôt que ceux qui essaient de la restaurer", accuse The Times. Le quotidien londonien regrette que "nulle part dans l’autopromotion égoïste de WikiLeaks, on ne trouve un jugement sur ce que l’organisation fait pour la nation irakienne et ce qu’elle espère réussir. Cette organisation n’a pas une conduite neutre qui servirait l’intérêt public. Ses membres sont partisans et interviennent dans les questions de sécurité des démocraties occidentales et de leurs alliés, avec un manque coupable de prise en considération de la vie humaine.".
D’ailleurs, s’interroge la Frankfurter Allgemeine Zeitung, cette publication en masse "est-elle la ’vérité sur la guerre’ si longtemps annoncée ou juste un record absurde ?". "400 000 documents, de nouveaux alliés et un écho médiatique énorme posent la question de savoir comment WikiLeaks va continuer", remarque le quotidien conservateur, qui rappelle que WikiLeaks a également été critiqué pour sa pratique, qui "consiste à se baser sur des sources américaines en priorité et à bloquer des contributions de whistleblower [donneur d’alarme] anonymes en rendant le site inaccessible pendant des mois". "Malgré tout, juge la Berliner Zeitung, "WikiLeaks rend un service à la démocratie", car cette dernière se confronte de manière critique à ses heures les plus sombres. "D’ailleurs, en Chine, le gouvernement s’alarme de la création annoncée d’un WikiLeaks local."
Pour le Financial Times, "les gouvernements devraient réaliser que la révolution de l’information qui a engendré WikiLeaks ne peut pas être contrée. La technologie rend toujours plus difficile de protéger la population des conséquences des conflits armés. Le temps où l’on pouvait cacher les horreurs est passé." "Une plus grande transparence pourrait rendre plus difficile de partir en guerre. Mais cela veut dire que l’opinion devra vouloir supporter les exigences des guerres qu’elle accepte", prévient le quotidien économique. Une opinion partagée au Danemark par le journal Politiken, pour lequel "la décision d’entrer en guerre - et on ne parle pas d’une guerre défensive - est tellement sérieuse et peut avoir des conséquences tellement horribles qu’il doit être possible de la tester à tous les niveaux".
Source : Courrier International